Entretien avec Youssef Zeboudji, Ambassadeur IA (plan “Osez l’IA”) et Lead Usages & Acculturation IA chez Inside
Pour un dirigeant, l’ambassadeur IA n’est pas un vendeur de promesses : c’est un facilitateur bénévole, mandaté par l’État pour un an afin de sensibiliser, orienter vers les bons dispositifs et mettre en confiance les organisations qui souhaitent adopter l’IA sans se perdre dans le bruit ambiant. Youssef Zeboudji détaille une posture objective et désintéressée, l’accès au réseau des ambassadeurs et l’articulation avec les référents IA internes des organisations pour passer des questions aux premiers usages utiles. Nous croisons aussi cette expérience avec la démarche d’Inside pour rendre l’IA pragmatique pour les métiers.
Quel est votre mandat précis d’ambassadeur IA et en quoi ce rôle peut accélérer la création de valeur pour une PME/ETI ou une collectivité ?
Mon mandat d’ambassadeur IA est pleinement bénévole et défini pour un an renouvelable, dans le cadre du plan national “Osez l’IA”. Ma mission : aider les entreprises et les collectivités à adopter l’IA au quotidien en jouant un rôle de facilitateur. Concrètement, nous orientons vers les dispositifs d’aide, nous clarifions les usages concrets pour les métiers, nous créons un lien de confiance avec l’écosystème et faisons monter en compétence les dirigeants. En bref, une passerelle entre la stratégie nationale et vos besoins de terrain.
Ce rôle s’articule autour de trois axes : sensibiliser, former, accompagner. Si vous vous demandez « comment intégrer l’IA » ou « comment embarquer vos équipes », nous vous orientons vers les solutions existantes (BPI, modules de formation gratuits, Académie de l’IA…). Lorsque cela entre dans notre périmètre, nous pouvons également vous accompagner directement, et mobiliser le réseau pour accélérer.
Ce réseau compte – entre autres -environ 300 ambassadeurs du programme Osez l’IA, avec des profils variés et un point commun : accélérer l’adoption utile. La DREETS (Direction générale des Entreprises) reçoit des sollicitations et redirige vers nous. Nous disposons de ressources pour orienter au maximum les organisations vers les bons dispositifs. Et d’autres ressources arrivent par la suite !
En tant qu’ambassadeurs IA, nous sommes votre premier appui, gratuit et objectif, pour faire la lumière dans le bruit ambiant et les injonctions autour de l’IA.
Sur l’autre point – en quoi cela accélère la création de valeur pour une PME/ETI ou une collectivité – je mettrai en avant :
- Simplicité et confiance : vous échangez avec un interlocuteur bénévole et neutre, qui clarifie vos enjeux et oriente immédiatement vers les dispositifs utiles — sans coût initial ni complexité.
- Déclic rapide : nous aidons à cadrer les usages concrets et à prioriser ce qui vaut la peine d’être testé, pour éviter les faux départs.
- Accès aux bons leviers : réseau des ambassadeurs, dispositifs d’aide, contenus de formation actionnables.
- Montée en puissance selon les besoins: si cela entre dans notre périmètre, nous pouvons accompagner opérationnellement la suite ; sinon, nous mobilisons le réseau d’ambassadeurs et les ressources disponibles pour ajuster l’effort à votre contexte.
Pourquoi avez-vous intégré le plan Osez l’IA et comment évaluez-vous la pertinence de cette démarche côté entreprises ?
Chez Inside, nous avons très tôt exploré l’IA en interne, tout en gardant en tête notre réalité : nous sommes une ETI face à de grands acteurs internationaux. Lorsque l’État s’est impliqué, la démarche nous a semblé pertinente parce qu’elle prolongeait exactement ce que nous faisions déjà : sensibiliser, former, accompagner, rendre l’IA concrète et utile. Le programme apporte plus de visibilité et plus de capacité d’action pour acculturer davantage de personnes. L’objectif ministériel annoncé pour 2030 – 15 millions de professionnels formés – va dans le bon sens, même si la technologie progresse plus vite que les capacités d’acculturation actuelles. Au-delà de la simple sensibilisation ponctuelle, il s’agit d’un changement de culture qui réclame du temps, des ressources et des relais de proximité.
J’ai rejoint le plan “Osez l’IA” parce que sa philosophie fait écho à notre démarche chez Inside : une IA pragmatique, accessible, au service de l’humain et ancrée dans les usages. J’assume aussi un attachement à notre pays par engagement citoyen : contribuer à diffuser largement l’IA, c’est un devoir et une fierté ! ».
Côté entreprises et collectivités, la démarche est pertinente, d’abord parce que l’entrée est désintéressée et objective vis-à-vis des solutions et donc rassurante.
Vous échangez avec un interlocuteur neutre, sans coût initial, dont le premier réflexe n’est pas de facturer du conseil mais de vous orienter vers la meilleure solution pour votre contexte. Cette porte d’entrée gratuite fait sauter un premier blocage psychologique bien réel, notamment dans les PME et les collectivités qui craignent de “payer pour comprendre”.
Ensuite parce que l’accompagnement est progressif et ajustable. Si votre besoin réclame un suivi dédié, nous adaptons la démarche et dimensionnons l’effort avec les bons appuis ; sinon, vous repartez avec les bons repères et les bons contacts pour avancer en autonomie. Mon profil est consultant opérationnel et formateur/animateur, pas commercial : pas de devis tant que vous ne le demandez pas vous-même.
Enfin, parce que la dynamique est évolutive. Le plan “Osez l’IA” monte en puissance au fil des mois, avec de nouveaux leviers et des capacités supplémentaires. Le ROI attendu par l’État n’est pas une vente de prestations, c’est l’augmentation de la sensibilisation et de l’acculturation, avec une attention portée aux outils respectant la souveraineté. Cette logique rejoint notre conviction : démystifier, outiller et diffuser des usages d’IA au service du quotidien, sans jargon et avec un ancrage territorial réel.
Quelle est, selon vous, la différence entre un ambassadeur IA et un consultant IA classique dans l’accompagnement proposé aux PME, ETI et collectivités ?
Il existe une continuité, pas une opposition. La différence tient surtout à la posture et à l’intention. Avec la casquette d’ambassadeur, j’agis dans une logique bénévole et désintéressée : rassurer, sensibiliser, démocratiser. Vous avez face à vous un interlocuteur neutre, sans agenda commercial, qui oriente d’abord vers les dispositifs étatiques et les ressources les plus adaptées à votre contexte.
Le label “ambassadeur IA” porté par le ministère fonctionne comme une marque de confiance. Dans un environnement où l’IA est partout et où l’offre foisonne, cela rassure une PME ou une collectivité : vous savez que le premier réflexe sera d’éclairer vos enjeux et de vous orienter utilement, pas de vendre. La sélection initiale et la durée limitée à un an, renouvelable, contribuent à entretenir cette exigence et à valider, dans la durée, le positionnement des ambassadeurs.
Concrètement, la casquette d’ambassadeur ouvre la porte : premier contact, clarification des usages, orientation vers les bons appuis, qu’il s’agisse de dispositifs publics, de formations gratuites ou du réseau des ambassadeurs. Si un besoin d’accompagnement dédié apparaît, la casquette de consultant peut prendre le relais, avec un cadre assumé, des jalons et un rythme adaptés. Je ne dénigre pas le rôle du consultant : c’est un prolongement naturel lorsque la situation l’exige et que vous souhaitez aller plus loin.
La casquette d’ambassadeur IA pose un cadre : agir d’abord dans l’intérêt supérieur du pays et donc de l’entreprise, en priorité via les dispositifs publics. La casquette de consultant prend le relais lorsqu’un accompagnement dédié devient nécessaire.
Quel lien organisez-vous entre votre rôle d’ambassadeur IA et les référents internes IA (AI champions) des organisations ?
Le lien est naturel et complémentaire. L’ambassadeur IA n’est pas l’expert technique ultime ; le réseau réunit des profils très différents — spécialistes d’infrastructures IA, d’agentique, d’usages métiers, de conduite du changement. Sa première force tient à la posture de promoteur : embarquer, clarifier, mettre en mouvement. Avant d’intégrer “Osez l’IA”, j’ai moi-même joué ce rôle d’ambassadeur interne autour de l’IA. Et je le joue toujours d’ailleurs ! C’est pour cela que je vois dans les référents IA (AI champions) un miroir de cette mission, mais à l’échelle de l’organisation.
Le référent IA est l’ambassadeur de son organisation ; à l’échelle du pays, les ambassadeurs IA sont, en quelque sorte, les référents IA de la France !
Concrètement, lorsque l’entreprise dispose déjà d’un référent IA, le travail se fait en binôme. L’ambassadeur apporte un appui externe : cadrage de la démarche, partage de bonnes pratiques, mise en réseau, ouverture vers les dispositifs utiles. Le référent nourrit la dynamique depuis l’intérieur : connaissance du terrain, des process, des irritants et des priorités métiers. Ensemble, ils orchestrent la sensibilisation, structurent les premiers usages et alignent la coordination entre métiers, IT et directions.
Dans les faits, les directions métiers ou IT sollicitent le plus souvent l’ambassadeur pour démarrer. Lorsque l’organisation n’a pas encore identifié de référent IA, ce repérage fait souvent partie de l’accompagnement : passation de témoin progressive, montée en compétence, formalisation d’un rôle clair et pérenne. L’objectif reste le même : renforcer l’AI champion pour qu’il prenne le relais et fasse vivre la démarche au quotidien.
En résumé, l’ambassadeur IA et le référent IA ne se substituent pas : ils se complètent. L’un apporte l’impulsion neutre et l’ouverture de réseau ; l’autre installe la continuité opérationnelle et la pérennité en interne.
Si vous aviez deux heures avec un DG ou une DRH, comment cadreriez-vous la démarche d’accompagnement ?
En deux heures, je propose un cadrage simple et concret. D’abord, nous partons de notre retour d’expérience chez Inside et des échanges menés ailleurs. Ce n’est ni une théorie ni un catalogue : c’est une conversation franche, gratuite, avec parfois notre DGA qui aime partager ce vécu au bon niveau d’échange. Nous mettons à plat ce qui a marché, ce qui a moins bien fonctionné, et surtout ce qui est transposable chez vous.
Ensuite, j’aligne la discussion autour de trois axes très opérationnels : votre vision stratégique, votre maturité numérique et votre capacité d’expérimentation. Cela permet de positionner l’IA au bon endroit : pas comme un totem, mais comme un levier parmi d’autres pour améliorer les pratiques. Avec une Direction Générale ou une DRH, la question dépasse les « cas d’usage magiques » : il s’agit d’une culture à faire évoluer et d’un accompagnement au changement à structurer. La séquence type que nous partageons est lisible : sensibiliser d’abord le management, puis les équipes, et enclencher une acculturation continue dans la durée — communication, référent IA interne identifié, rituels légers du quotidien comme un café IA. Nous proposons cette méthode parce que nous l’avons vécue ; elle n’est pas exclusive, mais elle est éprouvée.
Nous ancrons également le dialogue dans vos irritants réels. Je pense à cet échange avec un patron de TPE qui me disait : « L’IA, c’est super, mais c’est un truc de techos, ça doit coûter cher, je ne sais pas l’utiliser et je n’ai pas le temps pour ça ! » Je lui demande s’il répond à des appels d’offres. Il me répond oui. J’enchaîne : est-ce que cela vous prend du temps ? Il me lâche tout de suite : « Ah mais c’est monstrueux ! » . À partir de là, nous regardons ensemble une solution simple, prête à l’emploi, pour automatiser une partie de la rédaction et du suivi. Résultat : la technologie cesse d’être abstraite, elle simplifie le quotidien au lieu de le complexifier. C’est cela, la démystification utile.
Et si, au terme de ces deux heures, vos convictions rejoignent les nôtres, nous actons la suite !
Dans vos ateliers avec des PME et ETI, quel message adressez-vous aux équipes pour qu’elles voient l’IA comme un appui au travail, pas comme une injonction supplémentaire ?
Dans nos formations et ateliers, nous sortons de la stricte casquette d’ambassadeur puisque c’est alors une prestation. Cela dit, le premier message reste le même : démystifier. Beaucoup d’équipes imaginent l’IA comme un sujet exclusivement technique ; le fait d’avoir un formateur non technique, ambassadeur et consultant, rassure immédiatement. Très souvent, les cinq premières minutes font tomber ce premier blocage : vous voyez des usages concrets, à hauteur de vos métiers, pas une boîte noire inaccessible.
Ensuite, nous mettons les cas d’usage sur la table. Certains parlent tout de suite, d’autres opposent des réserves : sobriété, risque d’hallucinations, manque de confiance. Rien de tout cela n’est tabou ! Au contraire, nous ouvrons la discussion pour nommer les craintes, partager les convictions de chacun et apporter la preuve par l’exemple. Ce moment d’échanges est crucial : il transforme une injonction perçue en question de discernement.
Vient alors l’envie d’essayer, puis d’adopter l’IA cela dans le quotidien de chacun. C’est positif… à condition d’être prêts ! Nous rappelons qu’un cadre est nécessaire pour canaliser l’enthousiasme : politique d’usage, garde-fous organisationnels et techniques (cybersécurité, éviter le shadow IT, respect du RGPD).
Il arrive qu’une meilleure compréhension des contextes d’usage amène les équipes à moins utiliser l’IA… mais mieux l’utiliser. C’est un signe de maturité. L’IA oblige à clarifier vos processus : « où l’IA créée-t-elle de la valeur, précisément, et pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? » Cette clarification révèle souvent des sujets organisationnels qui dépassent l’outil et participent à identifier des axes d’amélioration de l’efficacité globale.
L’IA sert également de prétexte utile pour saisir l’occasion d’améliorer le fonctionnement de l’entreprise en revisitant les pratiques.
Qu’est-ce que votre rôle change dans la dynamique d’Inside et d’IAxLab autour de l’IA ?
Mon rôle d’ambassadeur n’a pas bouleversé la dynamique d’Inside et d’IAxLab – notre laboratoire d’expérimentation; il l’a confirmée et consolidée. Depuis 2023, nous avançons avec une même boussole : le retour d’expérience. Partager ce qui fonctionne, ce qui doit être amélioré, et ce qui est réellement transposable chez nos clients. Le mandat d’ambassadeur donne de la légitimité à cette posture d’ouverture et d’apprentissage continu.
Inside n’édite pas de solutions IA ; nous conseillons et accompagnons. Cette position nous garde concentrés sur l’usage et la valeur métier, sans promotion d’outil. Dans un champ qui évolue très vite et reste largement expérimental, apprendre en permanence, confronter les pratiques et croiser les points de vue sont devenus indispensables. Être ambassadeur accélère cette boucle et rassure en interne.
Au-delà de la casquette d’ambassadeur, Inside et l’IAxLab peuvent prendre le relais dès que vous souhaitez passer de la sensibilisation à l’exécution. Nous acculturons et formons directions, métiers et équipes techniques ; nous accompagnons le changement de culture et l’évolution des processus ; nous contribuons à la transformation de la DSI et du SI (diagnostics, architecture, méthodes de développement, adaptation des pipelines DevOps/MLOps). Nous expérimentons puis mettons à l’échelle des POV, POC et MVP métiers, avant d’industrialiser ce qui crée réellement de la valeur. L’IAxLab agit comme un pôle pluridisciplinaire et agnostique, pensé pour des cycles courts et pragmatiques : exploration, expérimentation, apprentissage… puis déploiement, au rythme de votre organisation.
En résumé, l’ambassadeur ouvre et oriente ; l’IAxLab opère et sécurise la suite, du premier atelier jusqu’à la mise en production, avec une exigence constante sur l’humain, l’éthique et la gouvernance de l’IA.
Vous souhaitez sensibiliser et acculturer vos équipes à l’Intelligence Artificielle ?